Ils sont appelés les hommes fleurs car traditionnellement, chaque matin au lever du jour, femmes, hommes et enfants s'enfoncent dans la forêt pour y cueillir
fleurs et feuillages dont ils se feront des parures pour la journée. En effet, il s'agit pour les hommes fleurs que l'âme se sente bien dans un corps beau.
Ils sont animistes, vivent traditionnellement en clan de 5 à 10 familles autour de l'umah, la maison communautaire, érigée au coeur du territoire de leur clan.
Elles sont dissimulées au plus profond de la jungle car ils craignent que l'armée indonésienne ne vienne les détruire et transférer le clan dans des villages de
regroupement. L'umah, symbole de l'unité sociale du clan, est aussi un lieu de rencontre; les Mentawai vivant en dehors de toute structure villageoise. Elle peut
atteindre trente à cinquante mètres de longueur, on s'y retrouve pour parler, danser, se faire tatouer le corps des motifs propre au clan et pour les principales
cérémonies rituelles. Le sikeirei, le chaman, y habite généralement avec sa famille. Il est en quelque sorte le maître de cérémonie du clan, celui qui sait parler
aux esprits. Les esprits font partie du quotidien des Mentawai, de chacun des gestes de la vie. Ainsi, on adresse une courte prière à l'arbre que l'on va couper,
on s'excuse quelques minutes face au poulet que l'on va égorger. Lors de cérémonies rituelles, on chasse les mauvais esprits et on s'attire la bienveillance des
esprits protecteurs.
Les Mentawai tirent la plus grand partie de leur alimentation de quelques animaux domestiques, de la cueillette de fruits et de tubercules et surtout du palmier
sagoutier, appelé aussi arbre à pain.
La plupart des Mentawai vivent aujourd'hui dans des villages gouvernementaux où ils doivent cohabiter par groupe de 500 à 1000 individus ce qui est contraire à
leur organisation traditionnelle. La plupart ont été obligés de se convertir à l'une des deux seules religions autorisées en Indonésie, le christianisme ou l'islam. Ils
ont dû se couper les cheveux et ne sont plus autorisés à se tatouer le corps.
Depuis une vingtaine d'années, les choses se sont sensiblement assouplies notamment par l'ouverture de l'île de Siberut aux touristes. Des familles Mentawai font
revivre certaines de leurs traditions pour les touristes en quête d'exotisme et sans doute pour retrouver, même un peu artificiellement, une partie de leur monde
perdu…
A présent, les écoles publiques ne sont plus financées par le gouvernement et ce sont des écoles religieuses, encore plus acculturantes, qui ont pris le relais. Les
touristes sont de plus en plus nombreux et de moins en moins respectueux. Pourtant, quelques clans ont réussi à rester en forêt et continuent à vivre en harmonie
avec la forêt et leur culture.
A la demande des Mentawai, ICRA vient de mettre en place une école nomade traditionnelle au sein des dernières umah pour fournir aux Mentawai une alternative
aux écoles d'obédience religieuse. Parallèlement, un programme de sauvegarde culturelle pour le maintien des umah et l'enregistrement des rites anciens, notamment
des savoirs des derniers chamanes, a été lancée.
Texte rédigé par Hervé Valentin, chargé de mission à ICRA International et co-fondateur de la Fondation ANAKO.